Posté le 22 février 2014.
Pour tout le continent sud-américain, le chaman Walter Alvarez Quispe est une légende vivante. C’est en effet le seul Kallawaya chirurgien oncologue diplômé de l’école de Médecine de Cuba, reconnue comme l’une des meilleures au monde. Élu à plusieurs reprises Député de son pays, Walter participa activement au classement par l’Unesco du savoir médicinal des Kallawayas comme un des chefs-d’œuvre du « patrimoine Oral et immatériel de l’humanité ». Walter provient du cœur du « pays des médecins-shamans » où l’art de guérir s’appuie à la fois sur la connaissance approfondie des plantes médicinales, des minéraux, des animaux, sur des invocations, des rites, des prières qui exigent la manipulation de symboles dont la signification secrète est transmise oralement depuis des siècles de père en fils.
La fantastique notoriété des Kallawayas provient aussi du fait qu’ils étaient les médecins personnels des Empereurs Incas et qu’à ce titre, ils parcouraient les chemins les plus reculés de l’empire. Accueillis partout comme des demi-dieux, ils exerçaient leur Art divinatoire et médicinal de manière itinérante pour le plus grand bénéfice des populations autochtones. Ces longues courses dans les espaces de la cordillère des Andes leur permettaient de s’approvisionner en herbes, en minéraux ou en plantes médicinales rares. Cette pratique s’inscrit dans une « cosmovision » complexe selon laquelle des êtres invisibles bienveillants ou malveillants, proches des dieux, sont présents dans toutes les manifestations de la nature. Tous les lieux sur terre sont saints et exigent que l’homme témoigne constamment le respect et la gratitude par le don d’offrandes pour pouvoir continuer de bénéficier en retour de la protection de la Terre Mère. Cet équilibre est fragile et Walter nous apprend à nous familiariser avec les délicats rouages de l’art de la réciprocité.
Selon les Kallawayas, tout homme pour jouir d’une existence accomplie, se doit d’observer scrupuleusement un équilibre entre le « donner » et le « recevoir », de s’acquitter constamment des dettes qui peuvent surgir aux cours des aléas de la vie, de se montrer vigilant envers les dettes accumulées envers les dieux, ou engendrées par des déficits en offrandes. Ne pas payer ses « dettes », conduit inévitablement à subir une « perte de l’âme » qui sera alors la source de tous les malheurs car les protections que chacun reçoit à la naissance, seront enlevées, exposant l’existence personnelle aux désordres. Rétablir l’équilibre sera la vraie mission du Chaman authentique. L’art sensible d’apprendre à restaurer ces « équilibres » nous sera exposé par Walter. Cet enseignement se rapproche de celui professé par les initiés de la Grèce Antique qui nous adjuraient de ne jamais commettre de « démesure ». Il aura donc une continuité véritable entre des cultures censées être très différentes et ne s’être jamais rencontrées…
Michel Bagnaud